« La place » d’Annie Ernaux, éd. Gallimard, décembre 1983

ernaux la place

«Enfant, quand je m’efforçais de m’exprimer dans un langage châtié, j’avais l’impression de me jeter dans le vide.
Une de mes frayeurs imaginaires, avoir un père instituteur qui m’aurait obligée à bien parler sans arrêt en détachant les mots. On parlait avec toute la bouche.
Puisque la maîtresse me « reprenait », plus tard j’ai voulu reprendre mon père, lui annoncer que « se parterrer » ou « quart moins d’onze heures » n’existaient pas. Il est entré dans une violente colère. Une autre fois : « Comment voulez-vous que je ne me fasse pas reprendre, si vous parlez mal tout le temps ! » Je pleurais. Il était malheureux. Tout ce qui touche au langage est dans mon souvenir motif de rancœur et de chicanes douloureuses, bien plus que l’argent.»

1ere quatrième de couverture :

La narratrice, qui n’est autre que l’auteur, a perdu son père l’année même où elle est devenue professeur. Cette mort, à laquelle elle a assisté, a marqué sa conscience d’une manière indicible. Plusieurs années après, elle entreprend le récit de la vie de son père, d’abord garçon de ferme, puis ouvrier d’usine, petit commerçant enfin. Se fondant sur des faits, des photos, des souvenirs de scènes précises et de phrases souvent entendues, elle rend sensible la condition de son père, la faible marge de liberté qui lui fut accordée pour se faire sa « place au soleil ». Surtout, elle s’attache à décrire cette distance séparant peu à peu une fille, étudiante, mariée bourgeoisement, d’un père travailleur manuel qu’elle aime et qui l’adore. Mais Annie Ernaux ne ressuscite pas seulement l’image d’un père, elle met au jour avec minutie tout un héritage culturel, coutumes, goûts, valeurs, l’héritage culturel des dominés, qu’elle a dû oublier pour monter dans l’échelle sociale. Les difficultés et la psychologie du petit commerçant, les humiliations sociales, la déchirure de classe à l’intérieur même de la famille, tout cela est relaté avec pudeur et force dans un style dépouillé à l’extrême, qui donne à cette œuvre une densité bouleversante.

Autre  résumé :

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